Portrait pro #14 Antoine, bibliothécaire

Portrait pro #14 Antoine, bibliothécaire


Pourrais-tu décrire rapidement ton poste ?

  Je suis actuellement agent de bibliothèque. Concrètement, cela consiste à orienter et conseiller les lecteurs, ranger les livres ainsi qu’enregistrer les prêts et retours. Ça, c’est pour la partie publique car il y a aussi tout un travail invisible, mais essentiel, en coulisse. Il faut lire et s’informer sur les nouveautés pour déterminer s’il est judicieux de les acquérir, préparer les nombreuses animations que propose la médiathèque, rédiger des critiques pour notre site Internet, trouver sans cesse des idées originales pour mettre en valeur notre fonds et procéder à la mise au pilon des documents trop anciens ou trop abîmés. C’est varié, l’ambiance est bonne et je ne m’ennuie pas !

Quel est ton parcours ?

  J’ai le souvenir d’avoir toujours été entouré par les livres, même si ce n’est pas ma seule passion. Vouloir travailler dans ce milieu s’est donc imposé assez naturellement après quelques hésitations. J’ai commencé par un stage en librairie, mais cela m’a donné envie d’aller voir en amont comment étaient réalisés les livres. C’est pour cela que j’ai créé une revue littéraire étudiante et ai intégré le M1 Création éditoriale des littératures générales et de jeunesse à Clermont-Ferrand. Si elle m’a beaucoup apporté, cette formation était un peu trop théorique à mon goût et manquait de liens forts avec l’édition, notamment parisienne, contrairement aux Masters de Paris-IV et Paris-XIII. Il m’a donc semblé nécessaire d’aller à Paris car c’est là que se fait la plupart de l’édition française.

  Là-bas, j’ai multiplié les expériences, d’abord en tant que chargé d’édition à la BNF (Bibliothèque nationale de France), en tant que correcteur free-lance et aussi dans une maison d’édition qui commercialisait des calendriers avec des petits chats et des petits cœurs (et ce n’était pas aussi inintéressant qu’on pourrait le croire !). Parallèlement à cela, j’ai aussi beaucoup travaillé en librairie (de la petite équipe d’une dizaine de personnes à la plus grande FNAC de France) et ai complété ma formation avec le M2 Littérature pour la jeunesse de l’université du Maine-Le Mans-Laval. C’est quelque chose de positif car ainsi, j’ai toujours eu une vue d’ensemble sur la chaîne du livre que je peux facilement mettre en avant.

  Il y a deux ans environ, j’ai eu besoin de quitter Paris dont je ne supportais plus les contraintes et après quelques boulots alimentaires, j’ai réussi à décrocher mon poste actuel à la Médiathèque de Roanne où je constate que mes expériences sont utiles au quotidien. Cela me plaît beaucoup, même si je veux garder des liens avec l’édition quoi qu’il advienne à l’avenir. Ce qui est étrange c’est que je ne m’étais jamais dit que ce métier pourrait un jour être le mien !

Ce que tu préfères dans ton métier et ce que tu aimes le moins ?

  Il y a peu de temps que je suis bibliothécaire, il m’est donc difficile d’avoir beaucoup de recul à l’heure actuelle. Je constate toutefois une grosse différence avec la librairie. Lorsqu’un lecteur hésite sur un document, il est facile de lui dire qu’il peut l’emprunter et que s’il ne lui plaît pas, il n’aura qu’à le rapporter. C’est un peu plus difficile lorsque qu’il y a une transaction à la clé. Bien sûr, une médiathèque doit justifier d’un certain niveau de fréquentation et d’un nombre d’emprunts, mais les rapports avec les usagers sont globalement détendus et agréables. Dans le secteur où je me trouve (Sciences et Sociétés), je suis agréablement surpris car nous nous efforçons de proposer un fonds riche et varié. Je trouve que beaucoup de mes lecteurs sont curieux et ouverts sur les sujets d’actualité et les enjeux à venir. Cela me donne beaucoup d’enthousiasme.

  En revanche, une médiathèque est soumise aux décisions et au rythme des politiques qui envisagent rarement le temps long. Il y a toujours de l’incertitude quant aux évolutions à venir, ce qui peut créer beaucoup d’inconfort dans les conditions de travail. Ces établissements sont souvent critiqués pour leurs horaires d’ouverture et parce qu’une part importante de la population ne les fréquente pas, malgré toutes les animations proposées. C’est un fait, une médiathèque reste quelque chose d’impressionnant pour beaucoup et si les propositions ne manquent pas pour aller contre cette idée-reçue, les finances ne suivent pas toujours. Comme pour tous les métiers de la culture, il y a une part de précarité constante qui n’aide pas à être pleinement serein. Je n’aime pas non plus devoir tenir le rôle du bibliothécaire acariâtre toujours en train de faire « Chut ! », mais c’est parfois nécessaire, hélas !

Des idées préconçues que tu avais par rapport au monde de l’édition et qui se sont révélées complètement fausses ?

  Avant d’entrer dans ce milieu, j’imaginais que tout le monde passait son temps à parler de Marcel Proust. C’est un peu vrai chez Gallimard, mais sinon il est vrai que toutes les personnes qui évoluent dans l’édition n’ont pas forcément écrit une thèse sur André Gide. J’étais attiré par le côté rêve et paillettes, bien vite disparu après quelques inaugurations de salons du livre où ledit livre s’avérait bien vite secondaire. J’ai aussi remarqué qu’un auteur dont on pouvait adorait les textes se révélait parfois très décevant en tant que personne. A l’inverse, un auteur pouvait être charmant et très cultivé, mais ses textes peu captivants ou peu novateurs. Je me suis affranchi d’un certain regard romantique sur l’édition, la littérature et l’écriture, mais au final cela n’a pas érodé mon goût pour le livre, au contraire.

Des conseils pour ceux qui cherchent à travailler dans le monde du livre ?

  Lorsque l’on dit que l’on veut travailler dans le livre, ce sont toujours les mêmes réactions. Un regard mélangeant pitié et admiration puis un discours plein de mises en garde. Il faut aller au-delà de ça. On vous dira qu’il y a peu de débouchés. Je connais un ingénieur nucléaire ayant étudié dans les meilleures universités qui travaille aujourd’hui dans une crêperie alors les débouchés, vous savez, on se demande toujours où ils sont… Je pense que la crise, invoquée à toutes les époques concernant le milieu du livre, a bon dos pour justifier des conditions de travail difficiles. Si vous souhaitez profondément travailler dans ce monde et que vous ne faites pas ça uniquement parce que « ça fait bien », insistez. N’acceptez pas n’importe quelles conditions de travail mais n’hésitez pas à multiplier les expériences car même celles qui ne vous feraient pas rêver en premier lieu vous apporteront forcément quelque chose (car négatif ne veut pas dire inutile, au contraire). Je me suis rendu compte que le réseau était très important, mais cela ne veut pas forcément dire qu’il faut aller à tous les pince-fesses pour débiter des conversations superficielles. Il y a beaucoup d’activité éditoriale moins visible, moins médiatisée que tout ce à quoi l’on pense d’abord en parlant de livre, mais dynamique et passionnante et vers laquelle je vous conseille d’aller. Si l’édition ne vous rend pas riche, cela ne doit jamais vous empêcher de créer, imaginer et tenter des choses nouvelles !

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