
Portrait pro #24 Valérie Cluzel, auteure de livres-jeux
En traînant en librairie, vous avez sûrement remarqué que les livres-jeux fleurissent chez de nombreux éditeurs. Valérie, ancienne éditrice, est désormais l’auteure de certains d’entre eux. On lui a posé quelques questions…
Quel est ton parcours ?
Je suis diplômée de l’université de Montaigne à Bordeaux (DUT Information communication option édition-librairie et licence pro édition et de l’université de la Sorbonne (Master Création éditoriale). J’ai été apprentie en édition jeunesse chez Talents Hauts ), puis en CDD chez Antartik, une agence qui réalise différents projets pour des maisons d’édition.
Comment es-tu devenue auteure de livres-jeux ?
L’agence Antartik travaillait beaucoup avec des éditeurs de livres de jeux quand j’ai rejoint l’équipe, et j’ai acquis progressivement une expertise dans ce domaine, en tant qu’éditrice, mais aussi auteure. Même après avoir quitté Antartik, l’agence a continué de faire appel à moi, en tant qu’auteure cette fois car il y a assez peu de spécialistes de livres-jeux. Du coup quand j’ai décidé d’en vivre, j’avais déjà un carnet d’adresse.
En quoi consiste ton métier ?
Je conçois le scénario avec l’éditeur, je rédige l’histoire en fonction du projet en question (adaptation d’une licence comme Marvel, d’une série comme Friends ou du contenu original) et surtout les consignes qui doivent être claires, précises et logiques. Je m’’occupe aussi de maquetter une partie des jeux pour faciliter le travail du graphiste, de la recherche iconographie ou de la création de briefs pour les illustrateurs, puis de tester le jeu.
Un livre-jeux, qu’est-ce que c’est ?
La palette est assez étendue: livre dont vous êtes le héros (livre à choix), livre d’enquête, Escape books (mix entre livre dont vous êtes le héros et Escape game, le but est donc de s’échapper… du livre). Plus largement, je réalise également des escape box, boîtes de jeux type quizz, chasses au trésor, jeux de carte…

Quelles qualités faut-il pour être auteure des livres-jeux ?
Être curieux, car on est amené à s’intéresser à beaucoup de sujets différents : des récits historiques, des personnages mythiques, ou encore des univers de séries et de dessins animés.
Être organisé : je travaille souvent sur plusieurs livres en même temps, qui sont à des étapes différentes : écrire un cahier de vacances tout en relisant les cartes d’un escape-game et en créant le nouveau pitch du prochain escape-book. Il faut bien noter tous les projets pour ne rien oublier, faire des to do list et, bien sûr, faire un peu de comptabilité…
Avoir de bons outils : avant de se lancer il faut s’intéresser un peu aux générateurs de grilles, de mots croisés, de labyrinthes. Ne vous amusez pas à les créer vous-mêmes, vous perdrez un temps fou en prenant le risque qu’il y ait plusieurs solutions ! Si vous maîtrisez un logiciel de PAO, c’est un plus ! Vous pourrez facilement mettre en image ce à quoi vous pensez. Mais les schémas, ça marche aussi.
Être autonome et accepter la solitude : en tant qu’auteur on travaille forcément seul, et ce n’est pas donné à tout le monde. Je suis quelqu’un de très solitaire donc ça ne me gêne pas, mais il faut bien en tenir compte avant de se lancer, car ça peut devenir pesant, surtout dans les périodes un peu stressantes où on ne peut compter que sur soi-même. Heureusement on a aussi les éditeurs pour nous rassurer parfois sur les délais et nous donner des coups de téléphone de temps en temps 😉
Être attentif : je relis attentivement tous mes projets après qu’ils aient été mis en page, car un maquettiste ou un éditeur peut avoir mal compris un jeu, qui pourrait ne plus fonctionner. Il faut tester tous les jeux, et souvent plusieurs fois.
Être inventif : il faut non seulement de l’imagination pour inventer un scénario ou créer une nouvelle histoire sur un sujet qui a été vu et revu, par exemple avec les récits mythologiques, mais il faut aussi toujours chercher de nouvelles idées de jeux pour se renouveler. C’est le plus difficile dans ce métier.
Pourquoi les livres-jeux rencontrent-ils autant de succès dernièrement ?
Quand j’ai commencé chez Antartik on faisait surtout des petits livres d’activités avec une simple mise en situation, et aujourd’hui on me demande surtout des escape-games, avec une histoire. J’ai l’impression que l’on fait moins de jeux pour faire des jeux : les lecteurs ont envie d’être mis dans l’ambiance ! Ça vient forcément de l’invention des escape rooms, mais je pense que ça peut aussi venir des jeux vidéo (comme Assassin’s Creed), avec une histoire très poussée dans un univers historique ou fantastique. C’est peut-être un jeu vidéo en moins cher !
Et je n’ai aucun chiffre là-dessus mais ça ne m’étonnerait pas que les livres de jeux se soient bien vendus pendant les confinements !
Quels sont les éditeurs de référence dans ce domaine ?
Je travaille beaucoup avec les maisons d’Édi8 : Les livres du Dragon d’Or, 404 éditions, Gründ, ainsi qu’avec Larousse, qui publie beaucoup d’escape-books, ou encore Playbac et Prisma. Mais beaucoup d’autres éditeurs se sont lancés dans ce domaine : Gallimard, Mango, Fleurus, Auzou, Glénat…
Quels conseils pour être éditeur ou auteur dans ce domaine ?
En plus des qualités citées plus haut, je pense que sans carnet d’adresse au début ça peut être compliqué, surtout si on n’a rien à montrer.
Si on part de zéro et qu’on veut devenir auteur de jeux, je pense qu’il faut d’abord jouer, en essayant de comprendre les mécaniques de jeux, de comprendre pourquoi on ajoute telle ou telle précision dans la consigne. Puis de créer des escape games ou des chasses au trésor grandeur nature, à faire tester à sa famille ou ses amis. En grandeur nature on visualise mieux les jeux et les joueurs vont parler, vous donner des indications sur ce à quoi ils pensent en lisant une consigne, pourquoi ils peuvent ne pas la comprendre.
Une fois qu’on a compris les mécaniques, pourquoi ne pas se lancer dans l’écriture d’un livre de jeux ou carrément une escape-box ? S’il y a une collection que vous aimez particulièrement, regardez quel thème ne s’y trouve pas alors qu’il pourrait bien coller. En partant d’une collection existante, vous aurez aussi une idée du nombre de pages ou de cartes à utiliser et ce sera beaucoup plus simple pour les éditeurs de se projeter.
Si vous voulez devenir éditeur de jeux, essayez d’entrer dans les maisons qui en proposent un gros pourcentage par rapport à leur catalogue, mais n’hésitez pas à regarder du côté des agences d’édition, aussi appelées packagers. J’ai remarqué que beaucoup de jeux passaient par eux. Il y a aussi la freelance, mais on revient au carnet d’adresse bien fourni. N’hésitez pas à parler de votre côté geek dans votre CV ou en entretien, ça devrait plaire aux employeurs pour le secteur du jeu !
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