
Enjeux de systèmes de publication libres et outils alternatifs pour la création graphique : compte-rendu de la conférence
Les 3 et 4 avril derniers, l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris invitait le collectif PrePostPrint pour deux journées de conférences à propos des outils alternatifs de publication. Graphistes, éditeurs, chercheurs et artistes avançaient alors leur vision du futur de la chaîne éditoriale.
Le collectif
PrePostPrint se définit comme un groupe (ouvert) de recherche autour des outils alternatifs de publication. Deux designers spécialisés en arts graphiques en sont à l’origine : Sarah Garcin et Raphaël Bastide. En 2017, leur volonté résidait dans la remise en question de leur rapport aux outils entrant en compte dans la création d’une édition. En d’autres termes : comment utiliser autre chose que les logiciels tels que InDesign pour faire de l’objet imprimé ? Influencés par d’autres collectifs, tels qu’Open Source Publishing (OSP), Sarah et Raphaël se sont tournés vers les langages du web. Aujourd’hui ils occupent tous les deux une fonction d’enseignant et poursuivent leur activité de design graphique à travers le langage web en répondant à des commandes ainsi qu’en participant à des projets collectifs.
HTML et CSS
Utiliser les langages HTML et CSS pour travailler la mise en page permet avant tout d’avoir un contenu unique pour une multitude de supports potentiels, nous expliquent-ils. Plus précisément, le travail graphique n’a plus à être actualisé lorsqu’il s’agit d’adapter un site internet, un ePUb, un livre imprimé, une affiche, un flyer, etc. Un seul et même fichier HTML/CSS permet d’obtenir l’ensemble de ces formats. Cette solution offre également un avantage économique. Comme l’explique Loraine Furter dans sa conférence : « il s’agit aussi d’une question de moyens, car tout le monde ne peut pas payer la suite Adobe. Le langage HTML/CSS est libre d’utilisation ». En ce sens, la plupart des intervenants se présentaient en faveur du logiciel libre ou de l’open source. Le code de certains projets, comme les réalisations d’OSP, est même entièrement disponible sur des « Git » (Gitlab, Github, etc.) — plateformes de gestion de versions décentralisées accessibles en ligne. De la même façon, les outils qui ont été adaptés par les graphistes, pour pouvoir envoyer un document HTML/CSS à un imprimeur traditionnel pour une impression offset par exemple, sont disponibles directement sur le site internet d’OSP (www.osp.kitchen). Ces guides permettent d’automatiser des fonctions qui sont habituellement intégrées dans les logiciels traditionnels de mise en page : affichage des traits de coupes, passage de la colorimétrie des images de RVB à CMJN, etc. La documentation présente sur le site internet permet à qui voudra de copier et de modifier des bouts de code pour créer de nouvelles réalisations éditoriales, dont le code pourra de nouveau être mis en commun.
L’édition libre
Éric Schrijver a tenté de définir pourquoi il est important de suivre et de comprendre cette idéologie de l’édition libre. Selon lui « tout le monde dans la fabrication d’un livre est auteur : l’écrivain, le typographe, le photographe, le créateur de l’objet photographié, le graphiste, etc. ». Le droit d’auteur s’applique à tous les contributeurs du livre, c’est pourquoi, en un sens, il se retrouve désacralisé. « Le droit d’auteur est avant tout lié aux besoins économiques des éditeurs », souligne Lucile Haute, organisatrice de l’événement (avec Julie Blanc et Quentin Juhel), dans la salle. Il est concerné, avant tout, par les possibilités de reproduction de l’ouvrage. C’est d’ailleurs pourquoi il évolue à chaque avancée en la matière : le copieur Xerox, le CD-ROM, etc.
Les acteurs des éditions C & F (Hervé Le Crosnier) et La Marelle (Pascal Jourdana), présents physiquement et virtuellement durant cette journée travaillent également à l’élaboration de « communs ». Mais pour eux, l’ePub reste une solution numérique plus proche de la définition du livre : « il s’agit de ce qu’il y a entre deux couvertures ». Le web reste un ensemble de pointeurs, tandis que l’ePub permet d’être embarqué, d’être partagé facilement par email car le fichier ne pèse pas lourd.
Conclusion
L’édition libre présente de nombreuses promesses pour les éditions à venir. Notamment, une thématique était au programme et n’a pu être abordée en l’absence de l’intervenant retenu par les grèves de train : l’écologie des données. L’ensemble de la chaîne éditoriale est repensée afin d’éviter les nombreuses versions des textes « .doc » que l’on copie (en perdant la mise en forme) dans le modèle Indesign, que l’on va ensuite exporter en PDF et qui va revenir au graphiste autant de fois que la relecture sera nécessaire. Car oui, la production d’un livre, même imprimé, c’est également de la production de données et du stockage. En utilisant les langages web, on rend la chaîne éditoriale plus durable en réduisant le nombre de fichiers nécessaires. C’est une responsabilité que le collectif OSP intègre depuis plus de huit ans dans ses collaborations avec des institutions ou des privés. Par exemple, dans le cadre de leur travail avec la revue belge Médor, chaque contributeur dépose sa participation dans une même boîte de gestion de contenu (CMS) qui est ensuite récupérée par les graphistes au format HTML. Certains auteurs ont même accepté d’apprendre des langages de balisage simples, qui facilitent la saisie en HTML, tel que Markdown.
Bérénice Serra
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