Les « Instapoètes »

Les « Instapoètes »


Un "Daily Haiku" posté sur le Tumblr de Tyler Knott Gregson

Un « Daily Haiku » posté sur le Tumblr de Tyler Knott Gregson

Les accros à Instagram qui se cachent parmi vous sauront de quoi il s’agit : ces poètes du 21e siècle, qui mettent en scène leurs courts vers sur le réseau social dédié à la photographie. En véritables pros de la communication, ils proposent à leurs « followers » un poème différent chaque jour, qu’ils relaient aussi sur Tumblr, Facebook, Twitter. Oubliée le poète incompris reclus dans sa chambre sous les toits, l’heure des « Instapoètes » a sonné.

L’incroyable succès des poètes des temps modernes

Reconnaissance ultime, le NY Times consacrait en novembre un article à Tyler Knott Gregson, un auteur de 34 ans. Son succès sur Instagram, où il ne compte pas moins de 265 000 abonnés, n’a pas échappé à la maison d’édition Perigee Books, du groupe anglais Penguins. En 2014, son premier recueil, Chasers of the light, se vend à plus de 120 000 exemplaires. Un chiffre rarement atteint en poésie, qui lui vaut ce trait d’humour du NY Times : « He has become the literary equivalent of a unicorn: a best-selling celebrity poem ». Mais le cas de Gregson n’est pourtant pas unique : aux Etats-Unis, trois des dix meilleures ventes actuelles de la catégorie « Poésie » sont l’œuvre de jeunes poètes repérés sur Tumblr et Instagram. Aux côtés de Gregson, on retrouve par exemple Lang Leav, 129 000 abonnés et déjà trois recueils publiés chez Andrews McMeel qui, cumulés, se sont vendus à plus de 300 000 exemplaires.

L’aubaine était trop belle pour les éditeurs : si ces auteurs ne remportent pas de prix littéraires (pour l’instant), leurs milliers de followers représentent un lectorat assuré. Sans compter qu’ils assurent leur propre communication, en postant sur leurs réseaux des photos soigneusement mises en scène de leurs ouvrages.

Tyler Knott Gregson, Chasers of the light, Tarcher Pedigree

Tyler Knott Gregson, Chasers of the light, Tarcher Pedigree

Le renouveau du genre ?

Les poèmes ainsi postés font tout juste quelques lignes. Un format adapté à ce nouveau support qu’est internet, où il faut être réactif et concis pour espérer être lu.

Mais sur Instagram ou Tumblr, le poème n’est plus seulement lu, il est vu. L’utilisation de ces réseaux permet à ces poètes amateurs de joindre une image à leur texte, donc de le mettre en scène. Sur son compte Instagram, Gregson se décrit d’ailleurs lui-même comme « Poet. Photographer. Author. Buddhist. » Il griffonne ses vers sur un bout de papier déchiré et les photographie devant un décor soigneusement arrangé. Parfois, il les tape à la machine, sur du papier un peu jauni. Et, à voir la couverture du recueil de Gregson, Perigee Books a bien compris que cette esthétique faisait partie intégrante de l’œuvre de son protégé.

Le style « vintage » de la machine à écrire est d’ailleurs une constante chez les Instapoètes. Quand Lang Leav ne calligraphie pas les siens de sa fine écriture très « girlie », elle aussi les tape. Cet attachement au papier et à l’esthétique qui lui est associée – la calligraphie, la machine à écrire – est frappante. Témoigne-t-il d’un besoin de s’inscrire dans une filiation plus ancienne ou s’agit-il simplement d’une réappropriation des codes graphiques et du style vintage en vogue sur Instagram ? Quoiqu’il en soit, ce mélange de références traditionnelles avec une mise en scène très moderne est savamment maîtrisé.

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