Quand le marketing sort le grand jeu pour harponner les lectrices – Les dessous du phénomène Calendar Girl

Quand le marketing sort le grand jeu pour harponner les lectrices – Les dessous du phénomène Calendar Girl


Avec plus de 6 millions d’exemplaires vendus, les 12 livres de Calendar Girl écrits par Audrey Carlan font sensation dans le paysage de la romance. Au départ, les six premiers livres avaient été autopubliés avant d’être repérés par des éditeurs (comme ce fut le cas pour  E. L. James et Anna Todd). Ces bestsellers se sont hissés immédiatement dans le top des ventes aux États-Unis et en Europe. Que se cache-t-il derrière le phénomène ? Une simple tendance de la lecture addictive ou un véritable stratagème marketing finement élaboré ?

  •  Le principe : des romans publiés sous forme de feuilleton, au rythme d’un roman par mois.
  • L’histoire : Mia Saunders, jeune américaine qui rêve de devenir actrice, doit rembourser la dette colossale de son père (1 million de dollars), menacé et tabassé par un prêteur sur gages. Elle cherche de l’aide auprès de sa tante, qui tient une agence d’escortes girls. Cette dernière lui propose de travailler pour elle. Le deal consistera à être l’escorte d’un homme différent par mois pendant un an. Chaque contrat lui rapportera 100 000 dollars et lui permettra de sauver son père.
    Soit : 12 mois, 12 livres, 12 amants, 12 villes.
  • Un panel d’hommes stéréotypés sur lesquels fantasmer : un peintre français, un sportif, un politicien, un artiste de hip hop, un docteur, un magnat du pétrole, un businessman…
  • Une punchline réussie : « Quand Pretty Woman rencontre Gossip Girl »
  • Des couvertures aguicheuses, pop et reconnaissables facilement en librairies.
  • Un prix attractif : 9,95 € (papier) et 4,99 € (numérique)

Avec un concept original, une communication très développée, Calendar Girl semble être le digne héritier de la saga After d’Anna Todd (1,6 million de ventes). Les outils de communication mis en œuvre par Hugo Roman sont étonnants dans le milieu de l’édition. D’un côté, on assiste au lancement d’une superproduction avec un site internet comprenant un trailer par mois, des speed-interview de l’auteur, une citation du roman, une newsletter ; d’un autre côté, la fiction devient réalité, et on peut voir un décompte de l’argent récolté par Mia, un encadré présentant « le calendar boy » du mois, une carte pour suivre les déplacements de Mia mois par mois, la photo d’un endroit visité par Mia dans le roman et des vidéos de blogueuses en lien avec la série.

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À cela, s’ajoute une vie fictive animée sur les réseaux sociaux : Twitter, Facebook et Instagram. Tout est mis en place pour donner vie au personnage de Mia et créer l’illusion d’une proximité, d’un lien avec les lectrices.

Capture d’écran 2017-05-18 à 10.56.00Saluons un sacré tour de force du marketing dans l’édition ! Mais il faut aussi s’interroger sur les stratégies romanesques qui expliquent un tel succès. Il est notamment frappant de voir la proximité de Calendar Girl avec les codes des feuilletons − romans et série télévisées.
On y trouve en effet une trame narrative connue, répétitive et prolongeable à merci (comme dans Buffy contre les vampires, How I met your mother ou encore Castle) dans lequel le lecteur aime se plonger. Audrey Carlan a su créer un suspense romantique et érotique à court terme (Mia tombera-t-elle amoureuse ce mois-ci ? Connaîtra-t-elle l’extase des sens ?) et à long terme (Ira-t-elle jusqu’au bout ou sera-t-elle arrêtée par l’amour ?). Comme dans tout roman-feuilleton ou épisode de série, une attention précise a été portée dans le découpage des tomes pour créer une tension dramatique. On voit un usage important du cliffhanger − quand le récit s’interrompt au moment où la tension est à son apogée, ce qui permet aux lecteurs d’anticiper tous les scénarios possibles. Entre chaque roman, il y a une pause temporelle qui permet de créer l’attente et le désir de lire la suite. Enfin, la lecture de Calendar Girl est avant tout une lecture qui vise le plaisir et le divertissement immédiat.
Est-ce le signe d’un retour des récits addictifs, comme à l’époque des romans-feuilletons du 19e siècle – période pendant laquelle certains lecteurs étaient prêts à offrir un pot de vin à Alexandre Dumas et aux employés du journal qui publiaient Le Comte de Monte-Cristo pour pouvoir lire la suite sans avoir à attendre ? Le succès de Calendar Girl permet de souligner la vitalité des techniques du roman-feuilleton et qui sait, peut-être les prémices de la reconnaissance du genre de la romance.

Marie Bolloré, rédactrice SJE

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